Lettre d’Hortense de Beauharnais à son frère Eugène 6 octobre 1805

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Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
6 octobre 1805
Je ne reçois plus de tes nouvelles, mon cher Eugène. Dis-donc à M. Bataille de m'écrire si tu n'en as pas le temps. Nous attendons des nouvelles comme le Messie.
Maman a reçu une lettre de l'Empereur, de Sollingen : il paraît fort tranquille ; maman reste toujours à Strasbourg. Dans sa dernière lettre, je crois q'elle s'est trompée, car il est impossible que Marmont ait passé le Danube : comme elle était pressée, elle a peut-être mis un nom pour un autre, et moi je t'aurais mis dans l'erreur en copiant fidèlement sa lettre.
Paris est d'une tristesse affreuse. On ne s'occupe que de politique et moi-même je suis toute la matinée avec le journal et la carte. Tu vois qu'il n'y a plus d'enfants.
J'ai vu Jérôme : il m'a beaucoup parlé de sa femme. Il croit qu'on veut le marier et se dispose bien à refuser, car il aime toujours sa femme et compte bien ne jamais se remarier ; du moins c'est ce qu'il dit.
Adieu, mon bon Eugène, des nouvelles ou je me fâche.
Je viens de sevrer mon petit garçon qui a un an dans quelques jours : il se porte fort bien. Napoléon est toujours bien gentil.
Hortense

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Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
7 août 1805 , Saint-Amand
Je trouve ta lettre à Murat fort bien, mon cher Eugène ; il n'y a pas à répliquer. Il est resté à Paris, mais l'Empereur et tous les militaires sont à Boulogne, à ce qu'il paraît ; tout se prépare pour la grande expédition mais la réserve que commande Louis ne bouge pas. Elle n'a reçu encore aucun ordre ; peut-être n'en a-t-on pas besoin. Ne regrette pas, je te le répète, cette expédition ; ce que tu fais à présent est plus difficile pour toi et tu en auras plus de gloire ; je sais bien que ce n'est pas ans ton goût : mais que veux-tu ? On ne consulte guère notre goût ans ce monde. Combien de personnes envient notre sort, et combien ils seraient "sots" s'ils se trouvaient à notre place !
Sans vanité, je crois que peu de monde aurait autant de courage que moi ; je m'étonne quelquefois d'en avoir tant et je remercie Dieu de m'avoir donné cette résignation qui me donne un air calme et qui trompe tout le monde sur ma position. J'a été un moment où j'ai cru que j'y succomberais ; ma santé était vraiment bien altérée. Croirais-tu que c'est ta nomination qui m'a sauvée ? Le chagrin que j'en ai ressenti m'a donné une grande secousse et cette crise m'a été salutaire ; depuis, j'ai commencé un peu à manger sans me trouver mal. Depuis, ton chagrin m'a été plus sensible que le mien ; je dois me trouver mieux que toi, quand je réfléchis que tu es loin de toute la famille, que tu n'as personne à qui tu puisses ouvrir ton coeur. Cependant, mon cher Eugène, tu peux vivre d'espérance. Si le projet de l'Empereur s'exécute, tu peux espérer d'être heureux dans ton intérieur ; tu peux toujours penser à tes amis et aimer ta femme, si elle est faite, comme on le dit, pour captiver un coeur ; pense avec plaisir à ce moment-là ; vois-le en beau et tu ne seras pas tout à fait malheureux.
Eglé est venue passer quelques jours avec moi ; nous avons beaucoup causé ; elle est retournée à Montreuil. Je crois que ce ne sera que par elle que nous pourrons avoir des nouvelles des côtes, car tu n'es plus là pour me donner des nouvelles et personne ne t'a remplacé et ne te remplacera jamais près de moi.
Adieu, mon cher Eugène, mon cher frère ; quand je pense à toi, je ne me trouve plus si malheureuse ; tu m'aimes du moins pour moi ; tu as confiance en moi, et je ne trouve tout cela qu'en toi.
Hortense

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Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
9 novembre 1805
Louis vient de recevoir le bulletin que tu lui envoies, mon cher Eugène, mais il m'a paru fâché de toute la cérémonie que tu y mets ; il m'a dit qu'il t'avait écrit comme autrefois, mais que toi, tu ne le traitais plus comme ton beau-frère et ton camarade, ce qui le fâche.
Tu sais, sans doute déjà, que j'ai vu quelqu'un qui t'intéresse. J'avais besoin de savoir comment tu te portais et j'ai été heureuse de voir quelqu'un qui t'aime et que tu aimes. Elle est bien gentille et bien intéressante ; il viendra un temps où cette pauvre petite sera bien chagrine, mais, alors, je la prendrai sous ma protection, car elle est vraiment honnête ; elle ne voit personne ici et, sans son petit voyage, elle serait morte de chagrin de ne plus te voir.
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Nous sommes bien tristes à Paris ; on ne voit que guerre de tous les côtés. Je crois que Louis ne tardera pas à partir, car on parle beaucoup d'une descente en Hollande ; on dit même que le maréchal Augereau a l'ordre d'y aller, mais tout cela n'est pas officiel.
L'Impératrice est toujours à Strasbourg. Je crois que l'Empereur compte toujours la faire venir à Munich, mais quand tout sera plus tranquille.
Je fais un petit château en Espagne, mais je ne désespère pas qu'il ne réussisse. Tu sais qu'on parle toujours de ton mariage ; je pense que, s'il y avait une trêve, ce serait le temps de le faire ; j'en ai écrit quelque chose à maman, mais surtout qu'on ne m'oublie pas et que toutes les autorités soient mises en avant pour me faire venir ; on ne pourra pas me refuser et je serais trop triste si je restais seule loin de toi dans ce moment-là. Sans vanité, je crois qu'il y aura des personnes qui, si elles s'y trouvent, seront heureuses de m'avoir et puis je te porterai bonheur. Songe que tu n'étais pas au mien et espérons que le tien sera plus heureux.
Je t'embrasse.
Hortense
P.S. Napoléon veut que j'envoie à "Nononque" Eugène tout son griffonnage ; tu y verras une lettre qui est de lui seul, mais tu auras de la peine à deviner ce qu'il a voulu mettre.

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Lettre d'Hortense de Beauharnais à son frère Eugène
9 septembre 1805 , Saint-Amand
On fait bien des nouvelles, mon cher Eugène. On dit que tu as sous tes ordres en Italie les maréchaux Masséna et Jourdan ; l'Empereur commande sur l'Inn ; toutes les armées qui étaient sur les côtés sont commandées de même ; seulement elles viennent toutes sur le Rhin. Ecris-moi si cela est vrai pour ce qui te regarde.
Maman est à Malmaison avec l'Empereur. On dit qu'ils partiront bientôt pour Strasbourg. Je dois rester encore quinze jours ici, ce qui est bien triste, car j'ai bien peur de ne plus retrouver maman à Paris et il y a bien longtemps que je ne l'ai vue. On dit que les eaux lui ont fait du bien ; je parle comme tu vois toujours par "on dit", car elle ne m'écrit pas plus qu'à toi. J'avais un peu hérité de cette paresse, mais, depuis que mon cher Eugène est loin de moi, on ne peut plus me reprocher ce défaut : j'ai trop besoin de ses réponses pour ne pas lui écrire souvent.
Adieu, mon cher frère. Si nous restons encore longtemps dans ce vilain pays, j'ai peur d'avoir le spleen ou les fièvres, car le pays est triste et malsain.
Hortense
PS. L'Empereur à écrit à Louis pour lui dire qu'il désirait, ne pouvant faire la guerre à cause de sa santé, qu'il prît le gouvernement de Paris. Je ne sais pas ce qu'il en résultera, car cela ne fait pas grand plaisir à Louis, et je n'en entends plus parler.