8 août 1814 | Madame de Souza à Madame d’Albany | philosophie de Charles

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Contenu de la correspondance

" ... J'ai eu deux guerres qui m'ont tuée, (La campagne de Russie et la seconde campagne d'Allemagne.) car je ne vivais pas. Je savais tout ce qu'il y avait à craindre en tous genres et, sans exagérer, j'étais dans mon grand fauteuil, ne respirant ni ne parlant. Jugez si j aurais pu écrire. Enfin, mon mari m'a avoué que, dans ces dernières semaines, surtout quand il entrait chez moi, les cheveux lui dressaient à la tête. Voilà son expression, ma très chère. Jugez donc quelle figure j'avais et quel sentiment j'éprouvais.
" La conduite de Bertrand est inexcusable ; je crois bien qu'à présent il entre beaucoup d'embarras, de peur d'être mal reçu, et en cela il a tort. Il est vrai de dire aussi (Bertrand passa les dernières années de sa vie chez Talleyrand.) qu'il loge chez M. de Talleyrand, (Le 7 septembre 1814, Mme de Souza écrit à Mme d'Albany qu'elle reverrait Bertrand avec plaisir : " L'amitié, dit-elle, se compose d'indulgence. Je sais que le moment qu'il a choisi pour m'abandonner laisse peu d'excuse ; nais cette habitude de vingt-huit ans a laissé de grandes racines dans mon coeur. Je voudrais bien lui dicter la lettre qu'il devrait m'écrire. " Et dans un passage du plus grand intérêt, car il paraît bien concerner Talleyrand, elle ajoute : " Pour l'Ancien, je n'en ai pas entendu parler, mais cette plaie est guérie depuis si longtemps que cela ne m'a ni étonnée, ni fâchée. Il reviendra ou continuera à m'oublier sans me faire ni plaisir ni peine... ") et l'égoïsme, surtout l'oubli des autres se respirent dans l'air de cette maison. Enfin, je me tais, je ne veux pas être misanthrope. Hélas, je ne le suis point et j'aime tous les gens que je ne connais pas. Malgré votre haine contre l'ex... (Empereur), si vous étiez ici, avec le coeur que je vous connais, vous seriez révoltée des ingratitudes qui se montrent sans nulle honte. Quand on a contracté des obligations, on peut haïr, mais le silence me paraît de devoir. Voilà ma pensée et j'ose me flatter que telle sera toujours ma conduite. Néné est philosophe, si de se soumettre à sa pauvreté actuelle sans même regretter sa fortune passée est de la philosophie. Il va beaucoup à la campagne, joue à la paume, car, après ces extrêmes fatigues, un violent exercice lui est nécessaire, il chasse, il fait sa cour une fois par mois, c'est-à-dire qu'il se met comme les autres généraux sur le passage du Roi, car personne n'est admis, que ses anciens serviteurs, à l'honneur de lui parler aux petites heures, c'est-à-dire aux jours ordinaires... "

* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.135)* Dans l'entourage de l'Empereur (Emile Dard / Plon / p.41)* Madame de Souza et sa famille (baron André de Maricourt / Emile-Paul frères / p.286-287)* lettre intégrale (le portefeuille de Madame d'Albany, par Léon-G Pélissier)