1809 | Charles de Flahaut à la comtesse Potocka | regrets

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Contenu de la correspondance

" Quand je vous vis en Pologne, voilà quatre années, dit Flahaut, je vous ai donné toute mon âme. Mais ensuite, qu'arriva-t-il ? Je suis soldat. On m'a envoyé en Allemagne, dans une garnison désolante. Je ne trouvais là qu'un ennui sans gloire. Je me perdais. Vous devinez mon double désespoir ! Le seul réconfort me venait des lettres de ma mère bien-aimée. Elle me suppliait de demeurer patient : une personne très haut placée, ajoutait-elle, ne négligeait rien pour obtenir mon prompt retour. Et en effet, je revins bientôt, par l'influence de ma mystérieuse protectrice. Ce mystère s'est éclairci depuis : j'ai connu celle qui me voulait tant de bien.... Sachez seulement que, me trouvant lié d'une extrême amitié avec son frère, je la voyais à tout instant. A la longue, tant d'amour me toucha : sans être expressément jolie, elle montra un sourire affable, un accueil plein de douceur, l'esprit allègre, avenant. Bref, depuis deux ans, je me suis consacré à son bonheur....
" Mais vous êtes venue à Paris. Et voici qu'aujourd'hui vous voulez bien m'accorder quelque tendresse : vous me l'avez écrit, vous me le dites.... Hélas, la voix sévère de l'honneur se fait entendre : elle m'ordonne de vous fuir !
Je vous place trop haut pour oser vous offrir un coeur enchaîné par le devoir à une autre existence. Pourriez-vous sans indignation voir une seconde femme réclamer sa part de mon affection ?... Ah! si seulement, en Pologne, j'avais eu l'audace d'espérer !... "

 
* Morny, un voluptueux au pouvoir (Rouart / Gallimard / p.40)* Le duc de Morny prince français (Marcel Boulenger / Hachette / p.2-3)* Hortense de Beauharnais (Françoise de Bernardy / Perrin / p.199)