Charles de Flahaut à sa femme | Londres, mardi 9 octobre 1849 | nouvelles diverses

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Contenu de la correspondance

Je viens de rentrer de Mivarts où j'ai dit adieu au pauvre vieux Prince (Metternich) , que je crois bien ne jamais plus revoir, malgré ma promesse d'aller lui rendre visite, soit à Bruxelles, soit à Johannisberg l'année prochaine. Il m'a prié de vous dire mille affections à vous et à Georgy (Seconde fille de Flahault, plus tard marquise de Lavalette), avec son regret de ne vous avoir point serré les mains à toutes les deux. Mme Sandor, Hermione et Mélanie (Filles de Metternich) sont ici jusqu'à jeudi.
J'ai dîné hier chez la vieille Lady Grey avec Sir George Grey, Charles Wood, Lord Carlisle et Lady Tankerville. Fort agréable. La conversation n'a guère porté sur la politique, mais, du peu qu'on en a dit, j'ai lieu d'espérer que l'orage se dissipe à Constantinople. Bem et quarante réfugiés sous ses ordres ont embrassé la religion musulmane. Zamoyski n'en est pas.
J'ignore à quelle opinion vous faites allusion, opinion que vous auriez émise et que nous n'admettrions pas ; mais si vous entendez par là que l'assistance prêtée par l'empereur Nicolas à l'Autriche aurait pour mobile des vues personnelles et ambitieuses, vous êtes la seule de cet avis en Europe. Sa demande d'extradition n'a d'autre but que de voir ces hommes coupables ne pas rester impunis : il est grand temps vraiment que justice soit rendue. Je ne suis pas du tout flatté de ce que vous m'assimiliez à ces conspirateurs errants. Je n'ai jamais été impliqué dans aucune conspiration. En 1815 je n'ai rejoint Napoléon qu'après que Louis XVIII eût quitté Paris. Je ne peux donc accepter votre rapprochement.
Si ce conflit devait avoir la moindre suite et qu'une seule goutte de sang fût versée, ce serait plus que n'en valent la peine les têtes de tous ces réfugiés.
Adieu, j'espère que vous n'allez pas rester trop longtemps avec vos jardiniers. (A Tullyanlan, en Ecosse, où Mme de Flahaut faisait alors percer un vaste jardin) Il y a eu 114 cas de choléra à Alnwick : je vous supplie donc de ne pas passer par là.
Le secret du coup d'Etat (Guedalla-Kerry / Emile-Paul 1928 / p.95 à 97)