11 avril 1836 | Général Carbonel à M Le Roi | derniers instants de Mme de Souza

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Contenu de la correspondance

" Mme de Souza a espéré jusqu'à ce moment pouvoir remercier son excellent ami M. Leroy de l'intérêt qu'il veut bien prendre à sa santé, mais, quoique moins souffrante, elle se trouve encore forcée d'avoir recours à un tiers pour faire parvenir de ses nouvelles aux Mesnils (sic).
" Elle a bien souffert de ses maux de coeur avec vomissements depuis sa dernière lettre, et force a été de faire deux nouvelles applications de sangsues avec accompagnement de vésicatoires, etc., etc. Mais voilà l'irritation qui cède enfin et les maux de coeur à peu près cessés. Il ne reste plus qu'une grande faiblesse qui passera avec le temps, si de nouveaux accidents ne viennent pas prolonger cette diète absolue qui dure depuis deux mois. Mme de Souza espère que le mauvais temps n'aura eu aucune influence fâcheuse sur la santé de M. Leroy, et elle attend de ses nouvelles avec impatience, car son premier besoin, en cessant de souffrir, est de s'occuper d'un aussi parfait et respectable ami. (Après la mort de Mme de Souza, Le Roi revint rarement à Paris et vécut au château des Mesnuls où il demeurait, entouré d'une nombreuse famille, chez son petit-neveu, le comte Charles de Nugent. Ne donnant aucun signe de caducité, lisant sans lunettes, il ne quitta plus guère sa bibliothèque où s'écoulaient ses journées consacrées au travail. Il n'en sortait qu'à regret, déclarant " la promenade le premier des plaisirs insipides ". Chaque matin, ses proches venaient le saluer, et il les recevait avec une étincelante gaieté. Parfois il s'excusait du léger assoupissement auquel il s'abandonnait après le repas et, ne voulant point avouer qu'il avait prosaïquement dormi, il disait en souriant : " J'ai plongé mon esprit détendu dans la molle quiétude de ce recueillement contemplatif qui nous fait arriver, avec la folle du logis, jusqu'aux vagues espaces de la somnolence. " En 1838, on célébra son centenaire et, comme on l'engageait plaisamment à rompre ce célibat auquel il attribuait sa tranquille longévité, pour unir ses destinées à celles d'une arrière-petite nièce âgée de cinq ans : " Point, dit-il, je ne veux pas de cette sorte de placement à 5 0 /0. A cent deux ans, il projetait de revenir à Paris pour comparer le jeu de Mlle Rachel à celui de la Clairon, lorsqu'on lui fit objecter - c'était en hiver - qu'il serait préférable d'attendre la belle saison pour se déplacer. Il s'y résigna malaisément, et il ne revit point Paris, car il mourut aux Mesnuls en 1846, à l'âge de cent six ans.)

Madame de Souza et sa famille (baron André de Maricourt / Emile-Paul frères / p.376)