Le Ministre des Affaires étrangères (Edouard Thouvenel) à M le comte De Flahault, à Londres | Paris, le 19 septembre 1861 | question des Principautés du Danube

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Contenu de la correspondance

Monsieur le Comte, lord Cowley m'a donné lecture de la réponse du principal secrétaire d'Etat de Sa Majesté Britannique à nos propositions concernant la marche à suivre dans l'affaire des Principautés. Sur tous les points du projet d'entente que j'avais rédigé avec M. l'ambassadeur d'Angleterre, lord Russell déclare adhérer entièrement à notre manière de voir. Il lui paraît, comme à nous, qu'il y a lieu de faire connaître notre assentiment à la communication de la Porte, au moyen de notes qui seront adressées par les représentants des puissance au Ministre des Affaires Etrangères du Sultan. Lord Russell admet, en outre, la nécessité d'effectuer l'union administrative et législative, en différant la révision de la loi électorale jusqu'au moment où les deux assemblées seront naturellement et légalement réunies en une seule. Quant aux mesures relatives à la répression des désordres éventuels dans les Principautés, sans s'exprimer d'une manière aussi explicite, il incline à partager de même l'opinion que j'ai exprimée sur la valeur des garanties stipulées dans cette vue par le congrés et la conférence de Paris. Telle est la substance de la dépêche que lord Cowley a bien voulu me lire et le sens des instructions expédiées à sir Henry Bulwer.
Le Chargé d'Affaires de France à Vienne me mande que le Gouvernement autrichien accepte sans restriction les trois premiers points de notre programme. Si, sur le quatrième point, relatif à l'ordre dans lequel il convient de procéder à la révision de la loi électorale, M. le comte de Rechberg a cru devoir suspendre son jugement, cette réserve s'explique par l'assentiment qu'il avait accordé dans le principe à la combinaison de la Russie, et il a laissé entendre à M. le comte de Mosbourg qu'il ne ferait pas de difficulté de se rallier, à cet égard également, à nos propositions, si le cabinet de Saint-Petersbourg y adhérait de son côté. Or, M. le duc de Montebello m'apprend d'autre part, et ces informations me sont confirmées par une communication de M. le comte Kisselef, que le Gouvernement russe renonce à demander la priorité pour la révision de la loi électorale.
Reste l'éventualité de conjonctures en désaccord avec les réserves que la Porte formule en limitant à la vie de l'hospodar actuel l'union qu'elle concède. Nous sommes disposés, en ce qui nous concerne, à rechercher comment il serait possible de satisfaire aux préoccupations de la Porte en tenant compte de toutes les convenances et de tous les intérêts. S'il s'agit uniquement des difficultés qui surviendraient durant la vie du prince Couza, les mesures prévues par le protocole du 6 septembre 1859 nous paraissent suffire à ces nécessités. La procédure à suivre y est minutieusement réglée, et je ne vois pas ce qu'il serait utile d'y ajouter pour mieux déterminer soit les cas dans lesquels il y aurait lieu de faire intervenir l'action combinée des Puissances et de la Turquie, soit la forme dans laquelle elle devrait s'exercer. Les cabinets n'ont donc à s'occuper que des efforts que les Principautés pourraient faire, après le prince Couza, pour tirer des concessions de la Porte les conséquences contre lesquelles elle parle de se prémunir. Il pourrait être convenu toutefois, dès à présent, que, sans rien modifier aux dispositions du protocole du 6 septembre, les Puissances auraient à s'entendre avec la Porte, à la mort du prince régnant, pour se rendre compte de la situation et apprécier les résultats de l'expérience. S'ils étaient reconnus favorables, s'il était constaté que l'union temporaire a contribué au raffermissement de l'ordre, et qu'il est de l'intérêt du Gouvernement Ottoman comme de celui des Principautés de maintenir cet état de choses, en lui donnant un caractère définitif, les Cabinets aviseraient de concert avec la Turquie, et il ne serait pas impossible que cette Puissance fût, comme aujourd'hui, la première à suggérer la solution la plus prévoyante et la plus équitable. cette manière de procéder, qui ne compromet aucun intérête, puisque le protocole du 6 septembre pourvoit à toutes les complications qui éclateraient durant l'administration du Prince Couza, offre l'avantage de permettre aux Puissances de se prononcer en parfaite connaissance de cause sur les questions qui se poseraient après lui.
Si cette combinaison était agréée par les Cabinets, ils se trouveraient d'accord sur tous les points essentiels, et seraient définitivements en mesure de donner aux propositions du Gouvernement Ottoman la suite qu'elles comportent.
Signé THOUVENEL
Documents diplomatiques (Affaires étrangères 1861 - ????)