lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany | Paris, le 19 décembre 1810

La Comtesse d’Albany
Lettres inédites de Madame de Souza (et d’autres…)
(Le Portefeuille de la comtesse d’Albany : 1806-1824, par Léon-G. Pélissier)


 Les annotations (en italique) sont de Léon-G. Pélissier ; Les passages [entre crochets] sont dans Saint-René Taillandier ; “Néné” est le surnom que Mme de Souza a donné à Charles de Flahaut, son fils ; les sujets concernant Charles de Flahaut sont reproduits en rouge ; l’orthographe ancienne est respectée.

 

 lettre de Madame de Souza à la comtesse d’Albany
Paris, le 19 décembre 1810

 

Il y a bien longtemps quee je n’ai eu de vos nouvelles, ma très bonne amie. Je m’en afflige sans être inquiette, car vous êtes à la casa, vous êtes dans un bon climat avec des amis qui vous soignent comme je voudrois vous soigner : ainsi vous êtes bien. Mais n’oubliez pas votre Adèle, et dites-lui quelques fois que vous pensez à elle. Cette lettre vous arrivera vers le jour de l’an. Ainsi, ma bonne amie, je vous souhaite une bonne année, et pour que la mienne soit heureuse, je vous prie de m’aimer toujours, et de me revenir au mois de juin.

Je vous dirai que l’on (Probablement Caroline Murat. D’autres lettres montrent qu’elle était en relation avec Mme de Souza. Elle la charge un jour d’une commission verbale pour Mme d’Albany) m’a envoyé de Naples un dessin de Jules Romain : on dit que c’est de la grande curiosité. J’ai envoyé chercher Lanouville pour me dire si c’était beau, avant de l’offrir à M Fabre. Il m’a dit que c’était un dessein capital, et d’une grande beauté. En conséquence, je prends la liberté de le lui présenter pour ce jour de l’an. Mais je ne le regarderois pas si je le trouvais : ainsi, qu’il n’en fasse pas de complimens, pas plus que je n’en ai fait pour accepter la jolie petite vierge qui me plaît tous les jours davantage. Ce dessein est grand comme le tableau que vous m’avez donné, cadre compris, je crois même un peu plus. C’est le sacrifice d’Iphigénie. Je l’ai fait mettre dans la chambre où sont ses effets : il le trouvera là, si mon côté m’emporte d’ici à votre retour. Ceci est une de ces phrases qui me viennent toujours quand je pense à quelques mois plus loing, mais cela ne veut point dire que je sois malade : tout au contraire, j’éprouve le mieux qui succède toujours à ces vilaines douleurs.

Nicolle a fait bancqueroute, et l’on dit que votre ami Bertin y est pour 80.000 francs. Cependant Nicolle s’engage à payer en sept ans tout ce qu’il doit. Ainsi votre ami n’y perdra que les intérêts, le manque à gagner et l’attente des fonds.

Je vous aime, ma bonne amie, et je vous regrette tous les jours davantage. Nous boirons à votre santé le jour de l’an. Charles est mieux, mais il maigrit au lieu d’engraisser. Oh ! c’est il y a six ans que M Fabre aurait pu en faire le portrait d’une belle figure ; à présent c’est plus difficile. Sa nourrice et moi dirons comme il était dans ce printemps qui a passé en une matinée.

Adieu, ma bonne, mon excellente amie, je vous aime de toute, toute mon âme, et vous le savez bien.

Je penserai à vous le jour de l’an : que les soeurs seront contentes, et combien votre bonté jouira de leur joie. Celle des enfants est si complette qu’elle fait du bien à voir.

Bertrand est bien, et le grand ainsi que le petit médecin parlent souvent de vous.

Je ne suis pas encore décidée à qui je donnerai le chef d’oeuvre, (Eugénie et Mathilde) ni quand je le ferai imprimer. Je veux laisse passer Chateaubriand (La seconde édition des Martyrs, en 1810) (qui va , je crois, être de l’Institut). Encore une fois je vous embrasse, mon excellente amie. Mille choses [à Monsieur] Fabre.

[Le portefeuille de Mme d’Albany]