16 juin 1815 | Charles de Flahaut à Thiers | attitude de Ney

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Contenu de la correspondance

"J'étais auprès du maréchal Ney pendant toute l'affaire, il a montré son courage et sa résolution habituels, mais n'a pris aucune disposition, se bornant, toutes les fois qu'il arrivait de nouvelles troupes, à les lancer ou les mener contre l'ennemi, prenant comme on dit le taureau par les cornes dans une position extrêmement forte et n'ayant pas lui-même des forces suffisantes pour réussir : enfin, la nuit venue, l'ennemi ne voulant que défendre la route qui mène des Quatre-Bras à Fleurus, l'affaire cessa de part et d'autre, de guerre lasse."
" Je soupai avec le maréchal Ney et, vers une heure du matin, je partis pour Fleurus où j'arrivai de très bonne heure. L'Empereur n'était pas encore habillé. Je lui rendis compte de l'affaire et, bien que je fusse très attaché au maréchal Ney, je crus obligé de lui dire que je ne savais pas si les événements avaient fait quelque impression fâcheuse sur l'esprit de ce maréchal, mais qu'il ne m'avait pas paru le même homme que je l'avais vu autrefois. Je déjeunai avec Sa Majesté. Après le déjeuner, l'Empereur monta à cheval et parcourut le champ de bataille, puis nous nous dirigeâmes sur le corps du maréchal Grouchy que nous trouvâmes sous les armes et le maréchal à sa tête sur la grande route. L'Empereur mit pied à terre et, après quemques moments de conversation avec le maréchal, il redemanda son cheval et dit au maréchal : Allons, Grouchy, poursuivez les Prussiens l'épée dans les reins ne les perdez pas de vue et communiquez toujours avec moi par votre gauche. " Je puis vous garantir l'exactitude de tout ce que je viens de vous dire et ces dernières paroles sont restées gravées dans ma mémoires. Aussi avons-nous été bien étonnés quand, au lieu du corps d'armée de Grouchy, ce sont les troupes prussiennes qui sont arrivées sur le champ de bataille de Waterloo. "
* Flahaut (Françoise de Bernardy / Perrin / p.148)
* Jadis (2ème série) (Frédéric Masson / Société d'éditions littéraires et artistiques / p.280-282)